Arrêt de jeu

Renouveau, printemps, joie, résurrection, cloches, œufs ou chocolat…, à chacun ses Pâques mais tous unis par la pensée !

Toute l’équipe de l’af-ccc vous souhaite de bonnes fêtes pascales confinées !

Écrit par Gabriel Vieille, voici un texte de réflexion, d’espoir et d’humour :

ARRÊT DE JEU

  • 1- Première mi-temps : le cauchemar.

Le train fou roulait à grande vitesse. Depuis longtemps déjà. Il ne s’arrêtait même plus dans les gares. A l’intérieur, nos smartphones avaient remplacé le paysage qui défile par les fenêtres. Seuls quelques éveillés cherchaient à descendre mais les freins n’étaient pas accessibles. Les observateurs s’interrogeaient sur les causes éventuelles d’un déraillement imminent…

C’est un virus invisible et imprévisible, insidieux et contagieux qui a joué les trouble-fête. Coronavirus ! La barrière STOP s’est abattue soudainement devant nos yeux. On ne passe plus. Les douaniers de la Providence sont à leurs postes. La fronde de David a entrainé l’écroulement du château de cartes. La pierre qui s’est décrochée de la colline à fait vaciller le colosse aux pieds d’argile (Livre de Daniel-Ch.2).  L’Ange de la mort a appuyé sur le bouton « Reset ».
Carton rouge : l’Arbitre cosmique a sifflé la fin de la partie…
« Restez chez vous ! »

  • 2 – Deuxième mi-temps : le rêve.

Sautillant sur mon balcon, une mésange semble attirer mon attention. Je lui demande ce qui peut bien nous rapprocher.

Nous sommes bientôt à égalité, me répond-elle, nous, nous avons déjà perdu 30% de nos effectifs !!!

Je rentre dans un mystérieux sommeil…

Le gouvernement vient de lever le confinement. Les foules surexcitées se précipitent dans les rues. En sortant de mon immeuble, je respire l’air frais de ce début d’automne à pleins poumons comme si je venais de naitre. Dans la cour de l’école d’à côté, les cris des enfants ne m’agressent plus, ils sont devenus éclats de vie. Tiens ! Un nouveau chantier dans mon quartier,
Ici, construction de 26 logements dont 12 sont réservés aux sans-abri et aux migrants
Deux rues plus loin, l’hypermarché ressemble à une ruche, il a été transformé en marché ou les producteurs locaux rivalisent d’ingéniosité pour vendre leurs produits. Encore habitué à ne sortir qu’une heure, je décide de rentrer à la maison mais le radio réveil me tire de mon sommeil…
Sur France Culture, un philosophe expose sa thèse sur les rapports entre procrastination et éloge de la lenteur. En fin de compte, c’est décidé, je terminerai cet article… demain !


Et après-demain, ou plus tard, quand vous reprendrez le chemin, pourquoi pas sur la Via Francigena,  peut-être ferez-vous étape chez Gérard Levaufre. Voici le dernier écho du « lavement de pieds »  :

CONQUES –LIVINHAC LE HAUT –  25 août 2014

Arrivé trop tôt, réservation faites au gite étape bio, La Vita è Bella, donc  farniente dans le village ; église fermée mais il est noté que ce soir le lavage des pieds aura lieu en préambule à la messe des pèlerins.
Attente dans un jardin attenant au gite, des draps sèchent. Le propriétaire arrive, furieux, car les draps sont dans le passage d’une fumée intense provenant du brulage d’herbes chez sa voisine …C’est pas le pied. Je comprends rapidement qu’il n’a que les draps qui sont pendus. Il les remettra dans la machine à laver, mais je n’aurai pas à sortir mon sac à viande car au coucher tout est rentré dans l’ordre, c’est sec et cela sent bon.
La messe des pèlerins … la porte restera close !
Lendemain matin ; après le petit déjeuner je prends congé du  propriétaire, italien ; avant de me  remettre ma créanciale, il se déchausse et avec un de ses petits doigts de pieds l’appuiera sur un tampon encreur mis au sol pour valider mon passage. Avant de se mettre au piano, il ira se laver le pied puis entamera « la marche nuptiale » de Mendelssohn pour accompagner mon départ !
Aujourd’hui, lorsque j’accueille des pèlerins, je n’utilise pas de tampon dédié à cet usage pour valider leur passage, mais mon petit doigt de pied droit sur le tampon encreur. Puis je me lave le pied !!!
C’est une autre forme de lavement des pieds. Souvenir de ce moment.  

Gérard

et ci-dessous, la dix-septième, et longue étape de notre feuilleton quotidien « Péleriner confinés » par Denise Péricard-Méa.

Nicole


Péleriner confiné, étape n° 17

Turlurelle, la flèche d’azur noir, la sœur des éclairs

Depuis deux jours, plusieurs confinés-à-la-campagne nous annoncent l’arrivée des hirondelles. De quoi faire rêver d’évasion… Puisque Covid19 nous empêche de les suivre, un conte extrait des Contes du Ver luisant nous invite à entrer dans leur monde.

Il était une fois une souris grise, Misouette-Souricette, qui n’avait jamais eu de souriceaux. Elle se désolait à chaque saison en voyant ses amies caresser leurs bébés. Elle fit comme font les dames, elle alla en pèlerinage chez les saints du voisinage qui donnait des bébés à celles qui ne pouvaient pas en avoir, en particulier saint Greluchon.

Elle donnait en cadeau aux souris qui gardaient ces lieux de pèlerinage des grains de blé. Rien n’y faisait.
Elle alla demander conseil à des mulots sorciers et à de vieilles taupes magiciennes.
Rien n’y faisait.

Un jour, une voisine lui conseilla de partir en pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle puisque, c’est bien connu, saint Jacques a ce pouvoir de donner des enfants à celles qui ne peuvent pas en avoir (une méchante histoire traîne même sur les chemins : un mari parti en demander un à saint Jacques en trouva deux en revenant).

Elle prit son costume de voyage, avec panetière et bourdon, reçut la bénédiction que l’on donne aux pèlerins et la voilà partie.
Mais le voyage de Saint-Jacques est rude pour une souricette. Misouette se trompait aux carrefours et se perdait dans les champs. Ses provisions grignotées, elle mendia quelques graines en route.

Enfin, un soir de pluie, elle arriva dans la cour d’une ferme. La pèlerine grimpa dans une treille, jusque sous le rebord du toit et, voyant un nid d’hirondelle, elle avança timidement le museau et demanda :

– Madame l’hirondelle, abritez par pitié une pauvre pèlerine. La faim et le froid m’affaiblissent et j’ai très peur des chats que je vois partout dans cette ferme.
– Volontiers fit l’hirondelle, en soulevant une aile pour lui faire place. Je vous logerais même une semaine et je vous nourrirais de beau blé mûr si vouliez tenir chaud à ces quatre œufs que je couve. Mon mari s’est laissé croquer par les buses, et je dois couver toute seule et je m’ennuie…
– Hélas, murmura Misouette, je n’ai jamais eu de souriceaux, mais je donnerais pour eux toutes mes promenades et toutes nos fêtes de souris si saint Jacques m’accordait des bébés.
– Chacun son goût, reprit l’hirondelle. Chouchoutez tant que voulez ces œufs stupides qui m’ennuient. Arrêtez un moment votre pèlerinage, vous verrez que des enfants, c’est bien difficile à élever. Pendant ce temps, moi, la vive Turlurelle, la flèche d’azur noir, la sœur des éclairs, j’irai me dégourdir les ailes et danser autour des clochers avec mes amis.

Misouette ne pouvait pas refuser. Dès l’aube, l’hirondelle s’envola, tandis que la souricette, demeurée au nid sur les quatre œufs tièdes et doux, sentait son cœur de maman sauter d’émotion.
Elle se faisait toute légère par crainte de les casser. Et jamais elle ne les quittait, pas même lorsque l’hirondelle oubliait tout le jour de lui apporter à manger, ce qui arriva plus d’une fois.
Dame Turlurelle, ivre de liberté, planait en plein ciel au-dessus des campagnes et des bois. Si elle n’avait pas mieux à faire, elle passait près de son nid vers midi en criant : « tout va bien ici ? cui…cui… et jetait quelques épis à Misouette. Elle ne rentrait qu’à la nuit…
Et quand les vieilles hirondelles, surprises de la voir toujours en l’air, la grondaient au passage :

– Turlurelle, ma mie Turlurelle, tu vas laisser froidir tes œufs !
Elle leur répondait fièrement :
– J’ai engagé une nourrice pour couver. Ce sont les sottes qui couvent elles-mêmes.


Cependant la semaine passa. Un matin, Misouette-souricette appela les mères des nids voisins

– Prévenez Turlurelle-l’hirondelle. J’entends toquer au fond de ses œufs ! …

Turlurelle passait et repassait dans un vol de moucherons verts, au-dessus d’une prairie en fleurs. Elle ne fit que rire de la nouvelle.

– J’irai tout à l’heure ! « Œuf où l’on toque défend sa coque » , dit le proverbe.

Un peu plus tard, Misouette, affolée, supplia de nouveau les voisines :

– Amenez Turlurelle-l’hirondelle ! Ses œufs sont becqués par le bout ! 
– J’ai le temps, j’ai le temps, fit-elle gaiement. Un œuf becqué n’est pas percé.
– Hélas, gémissait Misouette, ces chers œufs vont s’ouvrir, que j’ai tant aimés et soignés. Je ne saurai pas soigner des oisillons. Il me faut reprendre mon pèlerinage.
– Appelez, appelez Turlurelle ! Ses petits vont sortir des œufs !

Cette fois, les mères hirondelles s’élancèrent en troupe, indignées. Turlurelle volait au-dessus de la rivière.

– Turlurelle, lui crièrent les anciennes, Turlurelle, tes enfants naissent. Comment peux-tu n’être pas là ? Sûrement un malheur arrivera !
– J’y vais, disait Turlurelle, toujours plongeant et replongeant. Encore une trempette et je sèche mes ailes. L’oisillon peut être éclos, il ne s’envole pas de sitôt.

Enfin, elle se sécha dans un rayon de soleil et partit comme un trait vers son nid. Mais, en se posant sur le rebord, elle poussa un long cui… cui… d’horreur.
Saint Jacques l’avait bien punie, et bien récompensé Misouette : quatre petits étaient là, mais ils avaient des poils gris au lieu de plumes, des dents, des oreilles en pointe, des ailes c’est vrai, comme les oiseaux, mais velues, griffues, crochues, des ailes de diablotins d’enfer… Saint Jacques avait créé des chauve-souris, des souris volantes !

Turlurelle voulut tuer ces monstres. Mais elle en fut empêchée par une Souricette furieuse :

– Va-t-en, méchante mère, dit-elle. Ce sont mes enfants à présent. Je les nourrirai, élèverai, et partout je les défendrai. Mon pèlerinage se termine ici, saint Jacques m’a entendue sans que j’aie besoin d’aller jusqu’à Compostelle.
Turlurelle :
-Tu ne voles pas. Sitôt qu’ils voudront s’envoler, je les poursuivrai pour les tuer.
Souricette :
– Non pas, si je leur enseigne à voir clair la nuit et s’ils ne sortent que la nuit, quand tu ne peux plus quitter ton nid.
Les vieilles hirondelles s’unissant toutes pour la chasser :
– Tu l’as mérité, Turlurelle, tu l’as bien mérité, ma belle. Si tu avais moins dansé, cela ne serait pas arrivé.

Ainsi la frivole Turlurelle fut punie et l’heureuse Misouette-souricette, oubliant son pèlerinage à saint Jacques et Compostelle, éleva ces merveilleuses bestioles, mi-souris et mi-oiseaux, rongeurs comme des mulots, volant comme des hirondelles. Bientôt l’espèce s’en multiplia.

On les nomma souris-volages, ou autrement chauves-souris.
Si elles ne sortent que la nuit, c’est par crainte de Turlurelle qui n’a jamais pardonné.


Denise Péricard-Méa
demain : Les pérégrinations de la relique du chef de saint Jacques à Compostelle
retour à la première étape : Jérôme Münzer part précipitamment de Nüremberg

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