Un petit brin de bonheur

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Commençons le billet du jour avec un cadeau de toute l’équipe de l’af-ccc : le traditionnel brin de muguet « porte-bonheur » 

Gilbert Delbecq complète :

A tous,  heureux premier mai.  Exceptionnellement les clochettes du bonheur viennent du net …  puisque la forêt nous est interdite.

et Jacky Turinetti nous rappelle que :


Retournons en Espagne avec Alain Humbert et Santiago. Nous sommes arrivés, hier, à Almaden de la Plata. Voici le 3ème épisode de sa nouvelle :

 SANTIAGO (3)

Lorsque nous parvenons à l’albergue, Serge est à la douche et les deux filles sont en train d’étendre leur lessive sur les tancarvilles. Ce soir pour le dîner ce sera spaghettis à la Bolognaise ; je m’occupe de la cuisson des pâtes et Serge se charge du reste, le plus difficile : la sauce tomate, les oignons, la viande hachée ; José, lui, a tiré la carte « vaisselle ». Demain, ce sera le tour des filles ; il y a une telle ambiance dans le groupe, une telle entente et une telle complicité entre nous que toutes ces tâches, loin d’être contraignantes, se transforment toujours en partie de rigolade. Il fait encore chaud alors nous décidons de dîner sur la terrasse à l’extérieur ; nous avons invité Miguel l’hospitalero qui apporte de quoi épancher notre soif et satisfaire nos gosiers. Soudain, alors que nous sommes au milieu du repas, apparait Santiago. Il a perdu la vivacité que je lui ai connue ce matin, efflanqué et complètement déshydraté il fait peine à voir ; Miguel lui apporte un seau d’eau ; Santiago y plonge la tête et lape pendant plusieurs minutes puis fait le tour de la table, nous léchant en guise de remerciements. Le repas terminé nous lui préparons une gamelle de tous nos restes, Miguel y ajoute de la paella que les pèlerins de la veille avaient eu la gentillesse de laisser pour nous dans le frigo. Il dévore le tout aussi vite qu’il a bu l’eau. Je raconte alors l’épisode de ce matin sur la route, la rencontre avec le chien sorti de nulle part, les frayeurs qu’il m’a faites, le nom de Santiago que je lui ai donné et auquel il semblait répondre. Alors chacun l’appelle : — « Santiago vient ici, Santiago au pied… » et le chien semble écouter, allant de l’un à l’autre, léchant les mains, tortillant sa queue pour manifester sa joie, mais au final revenant toujours vers moi. J’examine alors son collier, un vieux ruban de cuir craquelé que je devine avoir été rouge à l’origine, car la transpiration de l’animal n’avait épargné que quelques traces du vernis ; en le tournant tout autour de son cou j’espère y trouver un nom, une adresse, un numéro de téléphone : rien et pas davantage de tatouage dans les oreilles. L’hospitalero nous avoue que ce n’est pas la première fois qu’il rencontre des chiens errants, expliquant que dans la région d’Estramadure il y a beaucoup d’oiseaux, essentiellement des perdrix rouges, et que le week-end, des chasseurs viennent de Séville, de Cordoue et plus loin encore. Ils sont accompagnés d’une meute de chiens pour débusquer les volatiles et n’ont plus qu’à les tirer en vol. Je me souviens effectivement que, lorsque j’avais parcouru le Camino Mozarabe, entre Grenade et Mérida, le dimanche matin, ça pétaradait dans tous les sens et des oiseaux par dizaines, effarouchés, s’envolaient des oliviers. J’avais échangé quelques mots avec des chasseurs qui regagnaient leur voiture, un pick-up 4X4 avec une plate-forme aménagée pour le transport de chiens et ils m’avaient expliqué la technique de cette chasse. Secouant les grappes de perdrix accrochées à leur veste ils m’avaient fait comprendre que la sortie du jour avait été particulièrement fructueuse.

Pour ce soir Miguel décide d’attacher Santiago à un pilier de la terrasse et nous dit que demain, il prendra contact avec un chenil de la région, dont le gérant est un ami, pour lui confier le chien. Avant de regagner le dortoir, chacun a une caresse et un petit mot gentil pour Santiago : — « à demain Santiago, bonne nuit Santiago… ». Pour ma part j’ai droit à un régime particulier, une avalanche de léchouilles sur toutes les parties du visage. — « bonne nuit Santiago ».

Au petit matin, avant toute chose, j’ouvre la porte pour retrouver Santiago. Ses léchouilles me manquent déjà. Et là surprise ! Il a disparu !

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Les chasseurs de perdrix rouges



Impatients de connaître ce qu’il advient de Santiago et Alain ?  Découvrez le sans attendre dans les pages 4 et 5 du texte complet que vous pouvez télécharger ici :


Vous souffrez du confinement ?
Vous n’êtes pas les seuls ! Voici une vidéo transmise par Madeleine Griselin

pour ceux qui n’en peuvent plus … une leçon qu’on apprend le premier jour où on fait de la spéléo : où la tête passse, le corps passe, vrai aussi pour les animaux !


et ci-dessous, la trente-sixième étape de notre feuilleton quotidien « Péleriner confinés » par Denise Péricard-Méa.

Nicole


Péleriner confiné, étape n° 36

Saint Jacques au bout de la Voie lactée

La Fontaine de Vie

Les hommes dans la peine ont toujours eu besoin d’imaginer le voyage des âmes de leurs défunts vers une résidence définitive. Dans l’occident chrétien c’est le Ciel.
Comment y parvenir ?

Du Codex Calixtinus …

Dans l’un des sermons du Livre I du Codex Calixtinus, Calixte II apporte une réponse,  faisant de la Voie Lactée ce chemin des âmes :

Et ainsi que la descendance d’Abraham grandira jusqu’au sommet de la terre et sera élevée jusqu’aux étoiles. De la même façon les pèlerins de saint Jacques grandiront sur terre chaque jour et seront conduits, par-dessus les étoiles, à la Patrie céleste avec lui.

Il a ainsi donné naissance à une tradition selon laquelle les âmes des défunts parcourent la Voie Lactée, le « chemin de saint Jacques », au bout de laquelle l’apôtre les attend pour les introduire au Paradis. Les traces écrites montrent que cette idée s’est répandue peu à peu dans les milieux populaires.

La Voie lactée chemin de saint Jacques (PMA)

Jeannette du Forez

Au XVe siècle, lorsqu’on pleure dans les chaumières foréziennes sur le sort de Jeannette qui préfère mourir avec son Pierre plutôt que vivre sans lui, on ajoute ce couplet :

Se vous pendolas Pierre
Pendolas nos itot
Au chemin de saint Jacques
Enteras-no tos dos
Los pelerins que passent
En prendront quanque brot
Diront “Dio aye l’âme
Dous povres amoros”

Eluard P., Anthologie du Moyen Age, Paris, Club français du Livre, 1954, p. 250.

Les femmes de Modica

Chapelle Saint-Jacques, Modica

A Modica, en Sicile, le mourant partait faire le « voyage de Saint-Jacques », un voyage que les vivants voyaient comme un chemin pavé d’épées placées sur le tranchant, dont la douleur se traduisait par les sueurs de l’agonie.

Les paysannes atténuaient leurs futures souffrances en parcourant un trajet semblable, mais de leur vivant. Au terme d’un rituel compliqué (manger, digérer, dormir), elles partaient à minuit, la nuit du 24 au 25 juillet, nues dans un suaire, au long d’un chemin très abrupt et très rocailleux, passant un énigmatique « pont Saint-Jacques », vers une chapelle Saint-Jacques où elles accomplissaient un rituel de prières avant de rentrer chez elle tout en priant.

Encore plus mystérieux, les Mazzeri corses

On peut voir les mazzeri comme des hommes possédant un don de prophétie qui, après un rêve, peuvent annoncer une mort ou l’empêcher. Il semble que certains d’entre eux aient choisi saint Jacques comme patron. On les trouve liés dans ce poème très énigmatique dont personne n’a encore trouvé la clef, mais sait-on jamais ?

Saint Jacques Lucidor [Lumière d’Or ?]
Qui tenait son livre d’or
Et qui ne s’inclinera
Les mazzeri trouvera …

Les mazzeri ont pour tâche de « faciliter au malade privé de son âme, la périlleuse traversée d’un pont ou d’un gué constituant la frontière entre les deux mondes ». Parfois, ils accompagnent les âmes dans l’Au-delà, parfois ils les conduisent jusqu’à la rivière et les ramènent à la vie. Mais il existe une autre catégorie de mazzeri, les mazzeri-acciaccatori, des tueurs qui vont tout faire pour provoquer des morts.

Carbuccia, plaque Mazzeri

A Carbuccia, ils se rassemblaient au bas du village autour de l’ancienne église Saint-Jacques comme le raconte cette plaque apposée sur le mur de la chapelle Sainte-Anne édifiée à son emplacement.

Une dispute ayant éclaté entre le bas et le haut du village, les Mazzeri ont enterré les cloches (elles étaient suspendues à un arbre, semble-t-il), mais celles-ci sonnaient et attiraient le mauvais temps. Pour trancher, dit-on, l’église Saint-Jacques fut démolie et reconstruite au XIXe siècle à la frontière entre les deux zones.

Yann Derrien

Plusieurs chansons bretonnes- gwerzious- racontent un pèlerinage à Saint-Jacques de Turquie accompli en rêve par un jeune prêtre, Dom Yann Derrien, à la demande de l’âme de sa mère.

Si les versions sont multiples, la trame est toujours la même : il embarque pour la Turquie. Pendant le voyage, des Infidèles le jettent à la mer parce qu’il a refusé d’abjurer sa foi.

Sur sa prière saint Jacques le transporte en pèlerin à son sanctuaire turc …
… puis le ramène chez lui.

– Dom Iann Derrien vous dormez sur la plume fine, moi je ne le fais pas […]
– Ma pauvre mère, dites-moi pourquoi votre âme est-elle prisonnière ?
– Quand j’étais dans le monde, j’avais promis d’aller à saint Jacques des Turcs […]
– Mon pauvre père si vous m’aimez donnez-moi quatre cent écus
Que j’aille une fois pardonner au pardon de saint Jacques en Turquie […]
– Mon père réjouissez-vous, j’ai délivré une âme […]
Voici la gwerz d’un bon fils envers sa mère et son père […]

Au terme du voyage

La Fontaine de Vie

L’arrivée des âmes au Paradis, en deux longues files conduites chacune par un saint Jacques pèlerin.


Pour en savoir plus

Dans la revue SaintJacquesInfo, articles de Bernard Gicquel, auteur de la seule traduction française du Codex Calixtinus et de  Denise Péricard-Méa


Denise Péricard-Méa
demain : Saint Jacques n’est pas seul en Galice
retour à la première étape : Jérôme Münzer part précipitamment de Nüremberg

Cet article a 2 commentaires

  1. Philippe Dumont

    Je ne connais pas Alain Humbert, mais il a un beau style aussi simple que vivant.

  2. Patricia Bourdon

    Un grand merci pour ce beau brin de muguet et aussi pour la lecture de l’histoire de Santiago

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